30/05/2009

Dans la région de Fès, le goutte-à-goutte fait des miracles et des adeptes


Dans sa ferme de la province de Taounate, à 60 kilomètres au nord-ouest de Fès, Mohammed Ouali Alami a planté 2 hectares de tomates le même jour que son frère, en mars. Ses plantes sont arrosées au goutte-à-goutte, via des tuyaux en plastique qui courent le long des sillons. Pas celles de son frère, qui utilise la méthode traditionnelle d'irrigation par submersion de la parcelle. "La différence est visible à l'oeil nu", commente M. Alami.

Le goutte-à-goutte, qui amène directement l'eau au pied des plantes, est la technologie vedette en matière d'économie d'eau dans l'agriculture. Il permet de réduire de 50 % environ les quantités utilisées, donc de faire baisser la facture. Mais pas seulement. Dans le champ de Mohammed Ouali Alami, les mauvaises herbes, privées d'eau, n'ont pas poussé. Les doses d'engrais, transportées par les tuyaux, ont baissé. "Là où il fallait dix ouvriers pour irriguer, traiter et désherber, un suffit", ajoute l'agriculteur, qui s'attend aussi à voir ses rendements augmenter.

Beaucoup de voisins visitent les champs de M. Alami, qui préside une association d'usagers de l'eau agricole. "C'est mon rôle de montrer l'exemple", dit-il. D'ici à 2020, le Maroc sera en situation de pénurie d'eau. La pluviométrie a baissé de 30 % depuis 1970, et les nappes souterraines sont surexploitées.

Mais ce n'est pas cela qui intéresse le plus les visiteurs. La région, irriguée par les eaux du fleuve Sebou, est plutôt bien arrosée pour l'instant. "Ici, tout le monde dit que le Sebou est éternel", rapporte M. Alami. Les pluies abondantes de l'année ont rassuré : "Avant, on parlait de changement climatique, de guerre de l'eau, mais c'est fini", poursuit-il. "Les agriculteurs raisonnent avec un an d'avance, pas à long terme", confirme Mohammed Mrioued, président d'une autre association d'irrigants de la région.

RENDEMENTS SUPÉRIEURS

Cela ne l'empêche pas de prédire, comme M. Alami, un grand avenir au goutte-à-goutte, dont les avantages sont "innombrables" pour l'agriculteur. Les deux responsables songent à équiper collectivement les membres de leurs associations. Car le coût de la technologie est un obstacle.

Le gouvernement marocain veut développer fortement le goutte-à-goutte, présent sur 10 % seulement des surfaces irriguées du pays. Un plan d'économie en eau, lancé en 2007, vise à y convertir 550 000 hectares en quinze ans, soit la moitié de la surface irriguée marocaine. L'équipement est pris en charge à 60 %. Mais les petits agriculteurs, largement majoritaires, n'ont, pour la plupart, pas les moyens d'apporter le complément.

"Le coût est un frein, confirme Marcel Kuper, spécialiste de la gestion de l'eau au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). De plus, l'économie d'eau n'est pas une innovation simple, elle introduit une très grande perturbation dans l'exploitation, il peut y avoir des résistances. Il faut un accompagnement pour tirer le meilleur parti de la technique, notamment pour augmenter les rendements." Or il n'en a pas été prévu par le gouvernement.

Le goutte-à-goutte intéresse les agriculteurs du Moyen-Sebou parce qu'il s'agit d'un milieu "innovateur", affirme Mostafa Errahj, professeur à l'Ecole nationale d'agriculture de Meknès. L'irrigation est arrivée dans la zone il y a tout juste dix ans. Depuis, les rendements augmentant, beaucoup de choses ont changé. "Avant, les gens partaient chercher du travail à Fès, maintenant, c'est l'inverse, la région attire", raconte M. Errahj.

Les constructions en parpaing remplacent celles en pisé. Les réseaux d'eau potable et d'assainissement gagnent du terrain. Le goutte-à-goutte pourrait permettre de continuer dans cette voie.

http://www.lemonde.fr

Aucun commentaire: